Stéphanie Lacoste : l’art du tissage entre couleur, lumière et émotion
Tisserande et créatrice contemporaine, Stéphanie Lacoste explore couleur, lumière et texture avec une précision rare, reliant le savoir-faire millénaire du tissage aux préoccupations et technologies contemporaines.
Chaque fil, chaque geste, chaque nuance raconte une histoire et interroge le regard, offrant une expérience sensible et intime. Engagée dans la transmission de son savoir-faire, Stéphanie Lacoste ouvre la voie à une nouvelle génération de tisserands tout en confirmant la place du tissage dans l’art contemporain.
L’éveil à une vocation inattendue
Au début de ses études, Stéphanie Lacoste ignore qu’elle deviendra tisserande. Le regard attentif de ses professeurs la guide rapidement vers les métiers textiles, et plus particulièrement le tissage.
« J’ai eu un coup de foudre immédiat pour ce savoir-faire et je suis reconnaissante à ce regard extérieur qui a orienté mon parcours professionnel et artistique », confie-t-elle.
Son attrait initial pour le bois, fascinant depuis l’enfance, évolue vers le textile grâce à son intuition dans le travail de la couleur et de la matière.
« Je n’étais pas portée vers le dessin figuratif, mais vers la texture et la couleur. Ce sont ces aspects qui ont très rapidement défini mon travail », explique Stéphanie Lacoste.
Après un DMA Textile où elle se spécialise dans le tissage, elle complète sa formation par le stylisme de mode puis réalise un Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués, enrichissant sa vision de créatrice. Son parcours à l’école Duperré, où elle reste six ans, lui permet de développer une posture artistique attentive à la lumière et à la couleur, tant sur le corps que dans le décor.
Couleur, lumière et perception : les fondements d’un langage créatif
Stéphanie Lacoste construit un langage artistique où couleur, lumière et perception se répondent. Ses créations jouent sur l’illusion et la subtilité, éveillant l’attention du spectateur et explorant l’émotion dans le geste et la matière.
« Ma création tourne autour de la lumière, des perceptions visuelles et des émotions qui suscitent le questionnement et aiguisent la manière de regarder notre environnement », explique la tisserande.
Sa démarche s’enrichit de références philosophiques et artistiques : la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty, l’immatérialité chez Yves Klein, la profondeur chez Rothko.
« L’histoire de l’art et la philosophie ont un fort impact. Découvrir les écrits d’autres penseurs nous aide à formuler nos idées et à les confronter à d’autres regards », précise Stéphanie Lacoste.
Dès ses projets d’études, elle explore la lumière, les couleurs et l’intime : vêtements modulant la perception des couleurs, décors intégrant textiles et projections lumineuses, objets se fondant dans l’espace. Son travail invite à une expérience sensorielle complète.
L’art qui révèle les talents innés
La force de Stéphanie Lacoste réside dans sa maîtrise de la couleur. Coloriste intuitive, elle reproduit avec précision une teinte à partir de pigments, encres, tubes de peinture ou plantes, créant des textures nuancées et subtiles dans des motifs sobres mais profonds.
« J’aime rester dans la délicatesse et les nuances à peine perceptibles. J’ajoute parfois une petite touche de couleur qui change toute l’histoire, même si l’œil novice ne la perçoit pas de prime abord», explique-t-elle.
Chaque fil, chaque matière et chaque motif contribue à créer un univers précis. Rythme, texture, contraste et harmonie des couleurs définissent son style.
Dès ses débuts, avant même de connaître les armures traditionnelles comme le sergé, les reps ou les chevrons, Stéphanie reproduisait instinctivement des rythmes qui allaient structurer son travail. Ses pédagogues ont détecté ce talent naturel et l’ont orientée vers le tissage.
Les analogies avec la musique et l’architecture sont constantes : ses tissages sont des partitions et des structures à la fois rigoureuses et sensibles, où la chaîne joue le rôle des fondations et la trame celui des briques donnant vie à l’ensemble.
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L’inspiration des lieux et des émotions
Voyages et paysages nourrissent l’imagination de Stéphanie Lacoste. Les chalets du Valais suisse, la mer sombre de Normandie, les marées basses et le jeu de la lumière, ou encore les détails architecturaux comme une rampe d’escalier ou un carrelage, deviennent matière à collectionner, recomposer et transformer en récit textile.
« Je nourris mes histoires avec les visuels, souvent en pensant aux personnes pour qui je crée », précise-t-elle.
Chaque projet avec un client devient un dialogue créatif : « Les gens me choisissent pour mon univers et on tisse une histoire ensemble. C’est très stimulant », raconte Stéphanie.
L’évolution du tissage vers l’art contemporain
Stéphanie Lacoste observe avec enthousiasme l’élévation du tissage vers un médium artistique reconnu. Les grandes expositions de Sheila Hicks, d’Anni Albers à la Tate Modern puis à Paris, et l’exposition majeure sur la tapisserie au Musée d’Art Moderne ont révélé au public la richesse expressive du fil.
Le tissage n’est plus un simple métier ou objet utilitaire : il devient langage pictural et sculptural à part entière, capable de susciter émotion et réflexion.
Depuis 2009, Stéphanie enseigne et encourage ses étudiants à explorer des matériaux insolites — chambres à air, canisses — pour dépasser les limites du tissage traditionnel. Cette pédagogie ouvre la voie à une génération de créateurs audacieux, avec une identité forte et un ADN affirmé.
La création durable et l’exposition personnelle
Aujourd’hui, Stéphanie Lacoste se sent prête pour des projets personnels ambitieux : des installations monumentales, composées de pièces durables et modulables, offrant une expérience sensorielle complète dans l’espace, tout en refusant l’éphémère.
« Je me soulève contre le gâchis. Mon travail doit durer », insiste-t-elle.
Cette étape marque sa volonté de réaliser sa première exposition personnelle, un moment clé dans son parcours : montrer ses œuvres, raconter des histoires et partager une vision immersive du tissage contemporain.
Tradition et innovation : un dialogue constant
Si Stéphanie Lacoste intègre les technologies modernes — découpe numérique, outils contemporains, intelligence artificielle pour la recherche d’inspiration — elle reste fidèle à l’intuition et à l’expérience du créateur.
« Je m’inscris dans les pratiques millénaires tout en questionnant les technologies actuelles. J’aime hybrider les temps ensemble », explique-t-elle.
Son attachement à la durabilité va de pair à un profond respect pour le savoir-faire millénaire : l’ingéniosité des artisans de Thaïlande ou d’Indonésie, la complexité des motifs réalisés avec des métiers rudimentaires et la transmission d’un savoir ancestral nourrissent sa pratique et sa réflexion sur la continuité entre tradition et modernité.
Son travail conjugue gestes ancestraux, respect du temps des matières et exploration de nouvelles formes. Chaque fil, chaque couleur, chaque geste s’inscrit dans une continuité, reliant passé et présent, tradition et modernité.
La création de Stéphanie Lacoste devient ainsi un équilibre subtil entre héritage, innovation, émotion et technique, un langage textile qui touche autant l’œil que l’esprit et confirme le tissage comme art à part entière dans le paysage contemporain.
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